Espèces menacées : comment bien choisir son poisson ?
Publié le 17 avril 2018 à 12:15 Aujourd'hui
Alors que de nombreuses espèces menacées de poisson se retrouvent encore dans les rayons de nos supermarchés, Réponse Conso récapitule les astuces pour consommer responsable.
À l’échelle européenne, nous mangeons en moyenne 20 kg de poisson par an, soit près du double d’il y a 50 ans, comme il l’est souligné dans le guide WWF sur les produits de la mer. Devenu un produit de consommation de masse, le poisson est défendu par les associations de défense environnementale qui nous encouragent à en faire un mets festif ou à part, que l’on mangerait seulement de façon exceptionnelle. Pour éviter d’acheter des poissons qui sont en voie d’extinction, les labels « ASC » (Aquaculture Stewardship Council) et « MSC » (Marine Stewardship Council) ont été mis en place. En 2016, 296 pêcheries étaient certifiées MSC, dont 38 nouvelles entre 2015 et 2016, selon un rapport du WWF. Comme le précise le MSC, « la pêche non durable menace les stocks de poissons, les habitats marins, les communautés et les économies liées à la pêche côtière ». Bien que ces écolabels constituent des repères fiables pour le consommateur, les guides et les applications constitués par les ONG permettent d’informer l’acheteur pour qu’il puisse faire ses propres choix. Comme le veut l’adage, « quand un homme a faim, il vaut mieux lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson ». Pour consommer responsable, il faut être attentif à l’espèce, la provenance et la technique de pêche utilisée sur les poissons pour discerner ceux que l’on peut manger sans problème, de ceux qu’il faut éviter à tout prix.
Le consoguide des poissons
L’ONG WWF a mis en place un « consoguide » basé sur un code de couleurs permettant de guider sa consommation de poissons. Ainsi, « pour vous aider à faire le bon choix, le WWF utilise un code couleur simple : Bleu pour les espèces certifiées (MSC, ASC ou Bio) Vert pour les espèces à valoriser, Jaune pour les espèces à consommer avec modération et Rouge pour les espèces à éviter ». Concrètement, « ce code couleur est basé sur les impacts des techniques de pêche sur les populations de poissons et sur les écosystèmes, sur l’état des stocks ainsi que sur l’efficacité des mesures de gestion mises en place ».
Globalement, les espèces identifiées par le WWF à éviter sont nombreuses : en première position viennent l’anguille, la crevette rose, et le sébaste, quelle que soit leur provenance. Viennent ensuite des espèces qu’il ne faut pas consommer selon d’où elles viennent ou de la technique avec laquelle on les a pêché et la liste est longue : on trouve le tacaud d’Atlantique Nord-Est, la seiche du Pacifique Centre-Ouest et de Méditerranée, le saumon du Chili et de l’Atlantique Nord, le saumon d’Alaska issu de l’océan Pacifique Nord-Ouest, le poulpe et la plie issues de chalut à panneaux, le lompe d’Atlantique Nord-Ouest et Nord-Est.
Rien que pour l’océan Atlantique Nord-Est, de nombreuses espèces sont à bannir de son repas telles que : la lingue franche, le lieu noir, le lieu jaune, la crevette nordique, le chinchard , la moule, le cabillaud, le bouquet et le bar. En provenance de Méditerranée il faut absolument éviter le merlu sauvage, la dorade royale, le maquereau, la lotte et l’anchois sauvage. Il faudrait aussi bannir le panga de Thaïlande, l’encornet du Pacifique Sud-Est ou les crevettes tropicales sauvages. Il est finalement impératif d’aller consulter les nuances que propose le guide. Par exemple, le turbot d’océan Atlantique Nord-Est est à éviter alors que celui en provenance d’Europe est à consommer, bien qu’avec modération.
Concernant les espèces de poissons que l’ONG nous encourage à choisir, on retrouve le merlan bleu, la moule du chili et la palourde. Toujours dans la nuance, on peut par exemple manger du thon obèse mais seulement en provenance de l’océan Indien et d’une pêche à la canne et à la ligne, du chinchard d’Atlantique Nord-Est à la ligne, du poulpe d’Atlantique Centre-Est à la ligne, et de l’huître creuse issue d’aquaculture européenne. Finalement il existe les « labels » ASC pour les poissons issus de l’aquaculture responsable et MSC, ce dernier attestant que les poissons sont « sauvages » ce qui selon le guide permettent de les consommer. Les espèces labellisées sont par exemple le colin d’Alaska, le maquereau, la moule, et la sole.
Il existe aussi pour les plus curieux un guide historique des poissons intitulé « L’Océan dans votre assiette » du WWF pour sensibiliser sur la surconsommation et appeler à la diversification. On y apprend notamment que la sardine était le poisson favori de Napoléon, la crevette caramote a le cerveau, l’estomac, le cœur, le foie et les gonades réunies dans la tête, et que le poisson lapin dispose d’une nageoire dorsale venimeuse et qu’étant abondant dans les océans mais non prisé dans les restaurants, il serait judicieux de le choisir davantage.
Des applications pour choisir son poisson
Il existe des applications utiles sur mobile qui permettent de mieux choisir son poisson. Par exemple, l’application « Planet Ocean » mise au point par l’ONG SeaWeb Europe et la Fondation Goodplanet aide à consommer durablement les produits de la mer. Elle est gratuite, disponible en français et en anglais, et téléchargeable sur iOs. Comme les concepteurs le précisent dans leur description, l’application est « pédagogique et pratique » et « répertorie 100 espèces de poissons, coquillages et crustacés selon leur provenance, l’état de leur stock et leurs techniques de pêche ». Ainsi des fiches biographiques pour chaque espèce de poisson enrichissent notre connaissance des espèces. Davantage, une page de poissons « à privilégier » liste les anchois, le bar sauvage ou le congre, ce qui nous aiguille pour consommer de façon responsable. Il y a même une surprise : « en bonus », l’application offre « le film “Planète Océan” de Yann Arthus-Bertrand et Michael Pitiot dans son intégralité, ainsi que des interviews du réalisateur et des secrets de tournage ». Finalement on a accès à des « actualités du monde marin en temps réel à travers les articles du Magazine GoodPlanet, des conseils conso et des recettes de cuisine ».
L’application « Qualité rivière » lancée en 2013 par les agences de l’eau permet de connaître une centaine d’espèces de poissons issues des rivières, allant des plus communes aux plus menacées. « À partir de la carte interactive, les espèces de poissons sont recensées. Pour chacune, l’application affiche une photo et délivre des informations sur sa répartition géographique, sa biologie mais aussi sur sa protection ». Les données viennent des agences de l’eau et Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema) issues de 2500 sites de pêche sur l’ensemble du territoire. »
Enfin, l’application Etiquettable développée par ECO2 Initiative rassemble toutes les informations pour une consommation éthique et responsable, notamment concernant les espèces menacées de poisson.
Le label MSC veut « renforcer ses exigences pour l’évaluation des pêcheries »
Bien que l’écolabel MSC soit un repère pratique pour le consommateur, il n’est pas exempt de toute incohérence. En 2016 il faisait l’objet de critiques suite à un rapport du WWF. Fondée en 1997 par le WWF et le holding Unilever, devenue indépendante en 1999, l’organisation a toujours eu pour objectif de prémunir les consommateurs de l’achat de poissons menacés d’extinction. Mais il y a deux ans, l’ONG dénonçait des « exigences de labellisation en baisse », des « irrégularités », et des « conflits d’intérêts ». La marque Petit Navire s’était retrouvée sous le feu des critiques pour de la vente de thon tropical issu de l’océan Indien, une espèce dont les ressources étaient surexploitées, selon le rapport du WWF. La certification MSC de la pêcherie Maldives Pole & Line avait été suspendue par le WWF pour une surpêche dans les stocks d’albacore, sans aucun quota pour limiter sa capture dans l’océan Indien. Davantage, il avait été révélé en 2014 par le Guardian que l’entreprise thaïlandaise Thaï Union group, maison mère de Petit Navire, faisait travailler des centaines de milliers de Cambodgiens et de Laotiens sur des bateaux de pêche dans des conditions proches de l’esclavage.
L’écolabel certifie également le groupe Deepwater pour sa pêche du poisson empereur de Nouvelle-Zélande, une absurdité pour les associations. En effet, le poisson empereur est une des espèces de poissons de grands fonds les plus menacées d’extinction avec le flétan et le grenadier comme le souligne Greenpeace. Depuis 2010, la Commission européenne interdit la pêche de cette espèce menacée d’extinction lorsqu’elle provient d’Atlantique Nord-Est. Aussi, en 2016, le chalutage en eau profonde a été proscrit dans les pays de l’Union Européenne. Il est à préciser qu’en 2014, 75% des revenus du label provenaient des royalties de la certification.
Pour sa défense en 2016, George Clément, Directeur Général du Groupe Deepwater commentait : « Notre approche de gestion a été largement modifiée depuis les premières années et est maintenant très précautionneuse. Pour assurer la productivité sur le long-terme de cette pêcherie – pour 100 empereurs adultes évoluant dans les eaux de Nouvelle-Zélande, nous en capturons moins de cinq par an, laissant au minimum 95 d’entre eux afin d’assurer le renouvellement du stock pour le futur ». Un critère pour les droits humains a également été pensé en 2014, « le conseil d’administration du MSC a décidé d’inclure une politique claire sur la question du travail forcé dans ses futures exigences de certification. Les entreprises poursuivies à juste titre pour travail forcé au cours des deux dernières années seront hors de portée et non-admissibles au programme et à la certification MSC ». Cette année l’organisme a aussi annoncé « renforcer ses exigences pour l’évaluation des pêcheries » et que « durant une même marée, toutes les activités de pêche sur un stock cible devront dorénavant être certifiées selon le référentiel MSC ». Une nouvelle exigence qui sera effective à partir d’août 2018.
Il faut privilégier le thon listao sur le thon albacore
Greenpeace a publié un rapport en 2017 pour conseiller le consommateur sur la façon de bien choisir son poisson. Elle nous met en garde sur notre consommation de thon en boîte avec laquelle il faut privilégier « le thon listao dont les stocks sont corrects » contrairement au thon albacore, « aujourd’hui largement surexploité ». On a notamment droit à un classement des marques de thon en boîte pour choisir la meilleure sur le plan du développement durable. Le top 3 liste des boîtes des marques Phare d’Eckmühl, Super U, et Connétable. Très en dessous, les mauvais élèves sont Saupiquet, Lidl et Leclerc.
L’ONG nous recommande également de varier nos menus, puisque nous consommons trop souvent les mêmes espèces, à savoir le saumon et le cabillaud qui représentent plus de 50% de la consommation française. Elle souligne qu’il faut privilégier « les produits frais, les poissons non transformés, les produits issus de la pêche artisanale. Inutile de manger un poisson qui a fait le tour du monde ! De plus en plus de circuits courts se développent, donnant la possibilité de trouver des produits de la pêche artisanale : le bar de ligne de la côte française, le thon germon des canneurs et ligneurs du Pays Basque, le cabillaud de la mer d’Iroise des pêcheries normandes et bretonnes ». Davantage, pour les espèces moins menacées, on peut porter son attention sur les périodes de reproduction, comme de mi-mars à fin septembre pour le bar de ligne par exemple.
Finalement, il vaut mieux éviter d’acheter de poisson de petite taille. Cela signifie que c’est un « poisson juvénile » qui n’a pas encore terminé sa croissance et qu’il est nécessaire à la bonne reproduction des espèces, et donc à la biodiversité. Par exemple, une sole doit seulement être achetée quand elle mesure plus de 30 centimètres.