Importation de soja : 20 entreprises françaises pointées du doigt
Publié le 27 mars 2018 à 12:17 Aujourd'hui
Mighty Earth, France Nature Environnement (FNE) et Sherpa ont décidé d’interpeller une vingtaine d’entreprises françaises concernant leur approvisionnement en soja. Cela faite suite à une enquête publiée lundi 26 mars 2018 par plusieurs ONG, dénonçant les conséquences désastreuses de la culture de soja utilisé pour nourrir les animaux d’élevage.
Depuis plusieurs années, la consommation de soja est en augmentation. Entre 1995 et 2015, la production globale a été multipliée par 2,5, atteignant ainsi 320 millions de tonnes. Ce chiffre élevé n’est pas le fruit du hasard. Les produits végétaux ont la cote, notamment chez les végétariens et végétaliens. Le soja étant le substitut parfait. Les personnes consommant des aliments d’origine animale provoquent aussi cette hausse de la production. Selon WWF, les consommateurs européens consomment indirectement 61 kilos de soja par an en moyenne, que ce soit sous forme de viande, d’œufs, de produits laitiers ou encore de poissons d’élevage. Malheureusement, l’ONG rappelle que « cette demande s’est accompagnée le plus souvent d’impacts environnementaux et sociaux énormes dans les zones où le soja est cultivé ». Et c’est là qu’est tout le problème pour Mighty Earth.
Dans une enquête publiée lundi 26 mars dernier, l’ONG dénonce les conséquences environnementales et humaines « qui se cachent derrière la viande et les produits laitiers », notamment en Amérique Latine. Aux côtés de la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement France Nature Environnement et l’association de protection et de défense des victimes de crimes économiques Sherpa, elle pointe du doigt 20 entreprises françaises de l’agroalimentaire concernant leur manque de vigilance sur leur approvisionnement en soja. Pour rappel, la France a importé 3,9 millions de tonnes de produits à base de graines de soja en 2016, dont la majorité venait d’Amérique Latine, indique France Nature Environnement et Sherpa dans un communiqué commun. C’est pourquoi, les trois organismes tiennent à prévenir ces entreprises que « leurs chaînes de production pourraient contenir du soja produit au détriment de l’environnement et des droits humains ».
Déforestation et effets dévastateurs sur la santé publique
Concrètement, Auchan, Bigard, Carrefour, Casino, Lactalis, Sodexo ou encore Super U sont dans le viseur de ces trois organismes. « La France s’illustre sur la scène internationale pour son engagement dans les défis environnementaux de taille et notamment dans la lutte contre le changement climatique. Mais malgré cette préoccupation des citoyens, il existe des entreprises, au cœur de la culture française, qui incarnent encore l’inconscience d’un temps révolu, celle d’une époque où l’on ne se souciait ni de pollution ni de destruction », reproche Mighty Earth dans son rapport. Mighty Earth, France Nature Environnement et Sherpa estiment donc que ces entreprises « devraient demander à leurs fournisseurs de cesser immédiatement de s’approvisionner, directement ou indirectement, auprès des producteurs de soja responsables de la déforestation ». Et pour cause, « le nombre de zones ayant été détruites est stupéfiant. Nous avons vu des bulldozers raser de larges forêts et prairies jusqu’alors intactes, ainsi que de gigantesques incendies saturant l’air de fumée », a expliqué Anahita Yousefi, directrice de campagnes chez Mighty Earth, précisant que « si le Gran Chaco a traditionnellement toujours été moins surveillé que d’autres biomes en Amérique Latine, comme la forêt amazonienne, c’est un écosystème extrêmement important, et il n’existe aucune raison de le détruire ». Pire encore, l’enquête a révélé que la production de soja entraînait des effets dévastateurs sur la santé publique ainsi que des conflits sociaux. « Un grand nombre des communautés vivant à côté de plantations de soja, ainsi que des populations autochtones dépendant entièrement de la forêt, ont vu ces plantations empiéter sur leurs terres et ont été forcées de les quitter », précise ce même communiqué.
Loi de vigilance et moratoire
Face à ces constatations, France Nature Environnement et Sherpa rappellent ainsi que le 27 mars 2017 le Parlement français a adopté une loi relative au devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre. De ce fait, les entreprises sont dans l’obligation « d’identifier les risques et de prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement ». Dans une lettre envoyée aux vingt entreprises concernées, Mighty Earth, France Nature Environnement et Sherpa souhaitent que ces entreprises de l’agroalimentaire étendent « le moratoire en place depuis 10 ans en Amazonie brésilienne, à l’ensemble de l’Amérique du Sud, pour exclure des circuits commerciaux les fournisseurs cultivant du soja sur des zones de déforestation ». Ils veulent également qu’elles fassent « la lumière sur les conditions de protection du soja présentent directement ou indirectement dans [leur] chaîne de valeur, en fournissant des informations sur la traçabilité des produits et les mesures qu’elles envisagent de prendre pour limiter les impacts négatifs de la production de soja ». « Si de petites ONG sont capables de remonter la filière du soja, les grandes entreprises que nous ciblons aujourd’hui devraient aussi pouvoir le faire », a expliqué, lors d’une conférence de presse ce mardi 27 mars, Sandra Cossart, directrice de l’association Sherpa et dont les propos ont été relayés sur le compte Twitter de France Nature Environnement. Quant à Anahita Yousefi, elle estime que « des mesures doivent être prises au niveau européen et français pour s’assurer une moindre dépendance au soja importé qui cause la déforestation en Amérique du sud ».
Enquête @StandMighty : nourrir poulets et cochons au #DirtySoja, c’est déforester en Amérique Latine. Avec @Asso_Sherpa, nous appelons 20 grands groupes français à bannir les fournisseurs cultivant du soja sur des zones de déforestation. #LeSojaDeforeste https://t.co/cYCHQsgdSU pic.twitter.com/kYzmwsI2VV
— France Nature Env.. (@FNEasso) 26 mars 2018
« Si de petites ONG sont capables de remonter la filière du soja, les grandes entreprises que nous ciblons aujourd’hui devraient aussi pouvoir le faire » explique Sandra Cossart, directrice de @Asso_Sherpa
— France Nature Env.. (@FNEasso) 27 mars 2018
Pour Anahita Yousefi @StandMighty « Des mesures doivent être prises au niveau européen et français pour s’assurer une moindre dépendance au soja importé qui cause la déforestation en Amérique du sud » #LeSojaDeforeste #DirtySoja
— Le Soja Déforeste (@SojaDeforest) 27 mars 2018