Les oiseaux disparaissent de nos campagnes

Publié le 20 mars 2018 à 12:19 Aujourd'hui

« Les oiseaux des campagnes françaises disparaissent à une vitesse vertigineuse », alertent ce mardi 20 mars les chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle et du CNRS. Leurs populations se sont réduites en moyenne d’un tiers en seulement 15 ans.

Alors que le printemps pointe le bout de son nez, les chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) dressent un constat alarmant : « les oiseaux des campagnes françaises disparaissent à une vitesse vertigineuse. En moyenne, leurs populations se sont réduites d’un tiers en 15 ans ». Les institutions ont mené chacune une étude de suivi des oiseaux, l’une à l’échelle nationale et l’autre plus localement. Les résultats sont sans appel.

Les relevés effectués par le STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs, un programme de sciences participatives porté par le Muséum national d’Histoire naturelle au sein du Centre des sciences de la conservation) à l’échelle nationale ont mis en évidence « une diminution des populations d’oiseaux vivant en milieu agricole depuis les années 1990 ». Les espèces les plus communes de ces milieux, comme l’alouette des champs, la fauvette grisette ou le bruant ortolan, « ont perdu en moyenne un individu sur trois en quinze ans. Et les chiffres montrent que ce déclin s’est encore intensifié en 2016 et 2017 », notent le MNHN et le CNRS dans un communiqué commun.

La seconde étude menée à une échelle locale sur la Zone atelier « Plaine & Val de Sèvre » portée par le CNRS vient confirmer ces résultats. « Depuis 1995, des chercheurs du CEBC (Centre d’études biologiques de Chizé, NDLR) suivent chaque année, dans les Deux-Sèvres, 160 zones de 10 hectares d’une plaine céréalière typique des territoires agricoles français. En 23 ans, toutes les espèces d’oiseaux de plaine ont vu leurs populations fondre », déplorent les deux institutions. L’alouette a perdu plus d’un individu sur trois (-35 %). Le constat est plus inquiétant pour les perdrix : « avec huit individus disparus sur dix, les perdrix sont presque décimées ». Et malheureusement, ce déclin touche toutes les espèces d’oiseaux en milieu agricole. Pour les deux institutions, la diminution constatée est propre au milieu agricole, « sans doute en lien avec l’effondrement des insectes ». En effet, d’après le STOC, les espèces généralistes ne déclinent pas à l’échelle nationale.

L’agriculture intensive pointée du doigt

En cause : « l’intensification des pratiques agricoles ces 25 dernières années, plus particulièrement depuis 2008-2009 ». Les chercheurs soulignent que cette période correspond « entre autres à la fin des jachères imposées par la politique agricole commune, à la flambée des cours du blé, à la reprise du sur-amendement au nitrate permettant d’avoir du blé sur-protéiné et à la généralisation des néonicotinoïdes, insecticides neurotoxiques très persistants ». Interrogé par Le Monde, Christian Pacteau, référent pour la biodiversité à la Ligue de protection des oiseaux (LPO) explique que « de nombreuses espèces d’oiseaux granivores passent par un stade insectivore au début de leur vie. La disparition des invertébrés provoque donc naturellement un problème alimentaire profond pour de nombreuses espèces d’oiseaux et ce problème demeure invisible : on va accumuler de petites pertes, nid par nid, qui font que les populations ne sont pas remplacées ». « Il y a moins d’insectes, mais il y a aussi moins de plantes sauvages et donc moins de graines, qui sont une ressource nutritive majeure pour de nombreuses espèces », ajoute au quotidien Frédéric Jiguet, professeur de biologie de la conservation au Muséum et coordinateur du réseau d’observation STOC.

Pour le MNHN et le CNRS, il y a urgence. « Le déclin des oiseaux en milieu agricole s’accélère et atteint un niveau proche de la catastrophe écologique », alertent-elles, soulignant que de nombreuses régions de plaines céréalières pourraient connaître « un printemps silencieux ». « Il devient urgent de travailler avec tous les acteurs du monde agricole pour accélérer les changements de pratiques ; d’abord avec les agriculteurs qui possèdent aujourd’hui les clés pour infléchir la tendance ».

Marine VAUTRIN

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