Pêche électrique : le Parlement européen vote son interdiction

Publié le 16 janvier 2018 à 17:53 Aujourd'hui

Le Parlement européen dit non à la pêche électrique. Les eurodéputés ont adopté ce mardi 16 janvier un amendement rejetant cette pratique très décriée pour ses impacts environnementaux.

Le vote était attendu. Ce mardi 16 janvier, les députés européens devaient se prononcer en séance plénière sur l’avenir de la pêche électrique, qui consiste à envoyer depuis un chalut des impulsions électriques dans le sédiment pour y capturer des poissons benthiques, c’est-à-dire vivant au fond des mers.

Cette méthode de pêche est sur le papier interdite depuis 1998 par un règlement en faveur de la conservation des ressources de pêche, mais bénéficie de dérogations depuis 2007, à titre expérimental, dans une zone située au sud de la mer du Nord. La réglementation autorise chaque État membre de l’Union européenne d’équiper en électrodes jusqu’à 5% de sa flotte de chalutiers à perche. Chose que les Néerlandais ont profité, voire un peu trop en équipant 28% de leurs chalutiers à perche soit 84 navires, selon l’ONG Bloom spécialisée dans la défense des océans et de la pêche durable, qui avait déposé plainte en octobre dernier contre les Pays-Bas auprès de la Commission européenne. Mais en novembre dernier, la Commission Pêche du Parlement européen a proposé d’autoriser plus largement la pêche électrique, et donc de la développer à plus grande échelle. L’exécutif européen souhaitait en revanche maintenir la zone géographique dans laquelle cette pratique est limitée. Le Parlement européen en a décidé autrement en demandant l’interdiction pure et simple de la pêche électrique. « Un amendement, adopté par 402 voix contre 232 avec 40 abstentions, appelle à l’interdiction totale du recours au courant électrique impulsionnel », peut-on lire dans le communiqué.

Une bonne nouvelle pour les associations environnementales qui dénoncent cette pratique aux effets désastreux sur la ressource. Selon elles, les poissons remontés dans les chaluts montrent souvent des brûlures, des ecchymoses et des déformations du squelette consécutives à l’électrocution. L’association Robin des Bois qualifie même ce type de pêche de « taser pour les soles ». « Les chalutiers électriques industriels raclent les fonds marins, électrocutent toute la vie marine sans distinction et rejettent 60% de leurs prises, c’est un désastre écologique ! », déplore l’ONG Bloom, qui a lancé une pétition pour faire interdire la pêche électrique. Et précise : « Mais cette efficacité radicale ne ravage pas que les écosystèmes marins : la pêche électrique met à genoux les pêcheurs artisans qui pratiquent pourtant une pêche durable. » À l’inverse, les défenseurs de la pêche électrique estiment que cette méthode est plus efficace, plus économe (une consommation de carburant réduite) et moins polluante (moins de carburant donc moins de CO2 rejeté). Elle serait aussi moins impactante sur l’habitat (engins moins lourds).

Forte mobilisation

De tout côté, la mobilisation a été forte pour que cette méthode de pêche soit prohibée. En décembre dernier, l’association « Poissonnier de France » avait par exemple annoncé sa décision «  de boycotter toutes les denrées maritimes importées depuis les Pays-Bas vers la France » mais aussi « tous les produits de la mer commercialisés par les nations autorisant la pêche électrique ». Elle avait appelé les parlementaires européens à « cesser de tolérer, grâce à un système de dérogations injustifiées, une méthode de pêche destructrice qui devrait demeurer interdite en Europe ». Une position rejointe par le pôle industriel d’Intermarché Agromousquetaires. Plus de 200 chefs cuisiniers, parmi lesquels de nombreuses grandes toques, avaient quant à eux signé un manifeste contre la pêche électrique en Europe, s’engageant « à n’acheter aucun produit de la mer issu de cette méthode de pêche ». L’association Relais & Châteaux avait également apporté son soutien à la campagne de Bloom contre la pêche électrique. Le 10 janvier dernier, des députés français (de La République en marche à La France insoumise) avaient signé une tribune dans Le Monde pour demander au Parlement européen d’interdire ce type de pêche.

Une «  victoire »

Dans un communiqué, Yannick Jadot (Verts français), qui fait partie des eurodéputés à la pointe de la contestation contre la pêche électrique, a salué « une très belle victoire contre une pêche terriblement néfaste, une véritable arme de prédation massive. Grâce à la formidable mobilisation des associations, des pêcheurs artisans, des scientifiques, de la grande distribution, des grands chefs cuisiniers, et des élus écologistes qui ont su convaincre largement au sein du Parlement, la pêche électrique redevient strictement interdite. » Sur Twitter, le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot a également salué « le vote du Parlement européen en faveur de l’interdiction de la pêche électrique, pratique dangereuse pour la biodiversité ».

« C’est une victoire formidable pour les océans, pour les pêcheurs artisans et pour l’Europe » a de son côté déclaré Claire Nouvian, fondatrice de Bloom, dans un communiqué. « L’équipe de Bloom a travaillé nuit et jour depuis des semaines pour obtenir ce résultat. Nous sommes heureux et soulagés que le parlement s’oppose fermement à une pratique destructrice qui n’a été autorisée en Europe qu’en raison d’une collusion immorale entre lobbies industriels et institutions », a-t-elle ajouté. Début janvier, l’ONG révélait que la Commission européenne aurait volontairement ignoré les conclusions d’un rapport défavorable à la pêche électrique. Un comité d’experts scientifiques aurait mis en garde la Commission dès novembre 2006 sur les dangers de ce type de pêche avant que les dérogations aient pu être accordées. « Non seulement l’organe scientifique de la Commission européenne (le CSTEP, Comité scientifique, technique et économique de la pêche) n’a jamais donné son aval pour de telles dérogations, mais il a même explicitement déconseillé à la Commission européenne d’en accorder ! », s’était indignée Bloom.

Désormais, le Parlement va entrer en négociation avec le Conseil (les États membres) et la Commission pour trouver un compromis final.

 

 

Marine VAUTRIN

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