Appel à une grande marche pour la santé environnementale
Publié le 9 avril 2018 à 16:46 Aujourd'hui
« Les cobayes lancent l’alerte » : Daniel Moutet, président de l’Association de défense et de protection du littoral du golfe de Fos, et Michèle Rivasi, députée européenne issue d’EELV, lancent un appel ce lundi 9 avril 2018 à rejoindre la marche « vérité et justice » pour la santé environnementale. Elle démarrera à Fos-sur-Mer le 1er mai prochain et s’arrêtera à Bruxelles le 30 juin 2018.
Les maladies chroniques sont responsables de 63% des décès et incarnent la première cause de mortalité dans le monde, selon un rapport de l’OMS*. Contrairement aux maladies infectieuses, elles représentent un danger grandissant pour les citoyens, du fait des menaces environnementales. Des toxines nocives pour la santé des individus ne sont pas maîtrisées, telles que le glyphosate, l’amiante, les nanoparticules, les perturbateurs endocriniens ou encore le syndrome aérotoxique. La pollution atmosphérique représente la troisième cause de mortalité en France derrière le tabac et l’alcool. Le taux des accidents vasculaires cérébraux, cancers, affections respiratoires chroniques, ou encore diabète augmentent dangereusement. Un consortium d’associations de défense environnementale a décidé de prendre le problème à bras le corps en décidant de réaliser une grande marche citoyenne de Fos-sur-Mer jusqu’à Bruxelles. Le projet est soutenu par un collectif d’une centaine d’associations, composé notamment de l’ADPLGF (Association de défense et de protection du littoral du golfe de Fos), l’AFMT (Association française des malades de la thyroïde), l’ATC (Association toxicologie chimie), Ecologie Sans Frontière, Générations Futures, Collectif Stop Nitrites, ou même Réseau Sortir du nucléaire. Des personnalités politiques ont apporté leur soutien telles que Jean-Luc Mélenchon, Olivier Besancenot, Philippe Pujol, Noël Mamère, Jacques Testart, et Antoine Deltour.
L’idée de la marche est née à l’automne dernier lors de la crise du Lévothyrox, un médicament destiné aux personnes souffrant de problèmes de thyroïde. Introduite à l’été 2017, une nouvelle formule a causé des effets secondaires désastreux sur les patients. Selon la représentante de l’AFMT, des troubles cognitifs (de la vue, du sommeil, des maux de tête) ont été recensé ainsi que des paralysies partielles, s’ajoutant à au moins une quinzaine de décès. Dans une conférence, l’association avait lancé l’idée d’une marche pour la santé environnementale, portée à la fois par les victimes des effets du Levothyrox, mais aussi de l’amiante et d’autres pesticides. Après la diffusion du film Les Sentinelles qui raconte l’histoire d’un agriculteur intoxiqué par un pesticide de Monsanto, un collectif s’est mis d’accord pour encadrer une marche de deux mois. Selon Michèle Rivasi, députée européenne EELV et coresponsable de cette initiative, les objectifs sont de fédérer toutes les associations de santé environnementale, rendre visibles les malades invisibles, lutter contre les lobbies et instaurer à terme une justice indépendance qui puisse sanctionner les industriels.
Une marche citoyenne
L’intérêt des individus pour les sujets environnementaux est grandissant. Pour Michèle Rivasi, il n’y avait que des spécialistes écologiques qui s’intéressaient aux thématiques environnementales il y a trente ans, mais aujourd’hui on compte un large éventail de profils. Ainsi, la marche s’adresse à tous ceux qui veulent la rejoindre. « On est tous des cobayes » a souligné Sebastien Barles, militant écologiste et enseignant à Paris 8.
Concrètement, un noyau dur constitué de 20 à 50 personnes marchera les deux mois entiers, tandis que les personnes d’autres communes rejoindront ponctuellement le groupe. « Beaucoup de moyens sont consacrés à cette marche, dont des transports et des food trucks bio pour ravitailler le noyau dur de la marche » affirme Michèle Rivasi. Le parcours partira le 1er mai de Fos-sur-Mer, une ville symbolique, à la fois la plus polluée d’Europe, et celle où des études sur la qualité de l’air ont montré le lien de causalité entre pollution atmosphérique et santé publique. La fin de la marche est prévue à Bruxelles, lieu où sont décidées les normes concernant les pesticides, les néonicotinoïdes, le glyphosate ou encore la pollution de l’eau. « Notre santé dépend aujourd’hui des directives européennes », marque la députée Michèle Rivasi.
Certaines villes ont affrété des locaux pour permettre des réunions et des discussions publiques entre les associations et les citoyens. Les thèmes de discussion seront liés aux villes d’escales : les nanoparticules à Grenoble, les boues rouges à Gardanne, la pollution industrielle dans les écoles à Marseille. Des dates phares sont d’ores et déjà prévues telles que le 20 mai, journée contre Monsanto, le 29 juin pour une soirée à Montreuil consacrée à la santé environnementale dans les Dom-Tom, avec le chlore aux Antilles, l’empaillage en Guyane, le nickel en Nouvelle-Calédonie ou encore l’irradiation en Polynésie. Le 30 juin aura lieu une convergence à Paris avec un village associatif à l’hôtel de ville. « L’idée est d’articuler le local et le national pour toucher le grand public » ajoute Sébastien Barles. Les revendications s’adresseront directement aux différents ministères de la Santé, de l’Ecologie, et du Travail. Les responsables agrégeront progressivement les remarques et exigences des associations locales pour finalement présenter un cahier de doléances au gouvernement.
« Il faut une convergence des luttes »
En marchant, les associations cherchent à peser dans la lutte contre les industriels et les lobbies. Comme le souligne la députée Michele Rivasi, les acteurs de la défense environnementale sont trop souvent isolés, agissent sans impacter les entreprises, « comme des moulins à vent », et ne se parlent pas. Par exemple, la première alerte sur l’amiante avait été donnée par un médecin dans le « rapport Auribault » publié en 1906, pour une interdiction officielle établie en décembre 1996… soit presque un siècle plus tard. Dès lors, le collectif veut créer un changement, dans le but d’améliorer la santé publique et de sanctionner les entreprises dans leurs procès. En France, lorsqu’un scandale sanitaire éclate, c’est l’Etat qui doit payer les pots cassés. Mais pour la députée, ce sont les entreprises qui devraient mettre la main au portefeuille.
Pour arriver à ce résultat, beaucoup de secteurs sont mis à contribution, avec notamment les mouvements de sensibilisation à l’électro-hypersensibilité et le choix libre du vaccin. Acteur de la marche, Romain Gherardi, professeur et neurologue à l’hôpital de Créteil, a lancé l’alerte sur les adjuvants à base d’aluminium utilisés pour « améliorer » certains vaccins, alors qu’ils en augmentent leur toxicité. Cette toxine aurait engendré une nouvelle maladie baptisée « myofasciite à macrophages », dont les victimes devraient être indemnisées selon Gherardi. En 2016, Thomas Dietrich, ancien secrétaire général de la Conférence nationale de santé (CNS), avait claqué la porte de l’organisme en dénonçant des « pressions » de la ministre de la Santé de l’époque Marisol Touraine, sur l’organisation d’un débat public sur les vaccins. La ministre avait trouvé les mesures du CNS trop indépendantes selon Dietrich, et avait préféré confier le débat à l’Agence nationale de la santé publique (ANSP) dont la consultation a finalement été très critiquée.
Le parcours entier est disponible sur le site de la marche, avec une pétition qui a déjà recueilli plus de 10 000 signataires.
*http://www.who.int/topics/chronic_diseases/fr/