Eel Energy : imiter les poissons pour produire de l’électricité

Publié le 1 juillet 2016 à 16:08 Demain

S’inspirer de la nature pour produire de l’énergie, tel est le concept d’Eel Energy. Cette société française a mis au point une hydrolienne à membrane ondulante, une sorte d’anguille en caoutchouc capable de produire de l’électricité à partir de faibles courants marins ou fluviaux. Une vraie révolution dans le monde des énergies renouvelables.

Face aux urgences environnementales, les énergies renouvelables se développent de manière conséquente. Parc éolien, panneaux solaires, hydroliennes… Les installations se multiplient pour produire de l’électricité « verte ». Une start-up française pourrait, elle, révolutionner cet univers. Son concept ? Imiter les poissons pour produire de l’électricité. Eel Energy (eel signifie anguille en anglais) s’est en effet inspirée de la manière dont les poissons se déplacent pour créer une hydrolienne innovante en tout point. Ressemblant donc à une anguille ou une grosse nageoire de baleine, cette hydrolienne se compose d’une membrane en caoutchouc qui, en ondulant, transforme l’énergie cinétique des courants marins ou fluviaux en électricité. Ce sont les convertisseurs électromagnétiques, des dynamos linéaires, placés sur la membrane qui génèrent cette énergie. Lorsque la membrane se déforme, le mouvement entraîne un système de bobines et d’aimants qui créé de l’électricité.

Se baser sur le biomimétisme, voilà donc l’idée plutôt évidente si l’on regarde de plus près, car « jusqu’ici, on n’a jamais vu de poisson à hélice », constate avec ironie, et en référence aux hydroliennes classiques dotées de turbines, Franck Sylvain, le directeur financier de la société.

Plus performante qu’une hydrolienne classique

Mais au-delà de son concept, c’est la capacité de cette hydrolienne, inventée par Jean-Baptiste Drevet, qui impressionne. Développé depuis 2011 dans les bassins de l’IFREMER à Boulogne-sur-Mer, le prototype (à l’échelle 1/6e) de l’hydrolienne à membrane ondulante affiche des résultats très prometteurs : deux fois plus d’énergie que les hydroliennes que l’on connaît actuellement. La machine, pensée pour faire 16mx16m, peut d’ailleurs se contenter d’une vitesse de courant de moins de 2 mètres par seconde (moins de 4km/h) pour s’actionner, soit un faible courant marin et moitié moins qu’une hydrolienne classique. Et c’est là toute l’innovation du système. L’hydrolienne d’Eel Energy n’a donc pas besoin d’être installée sur des fonds marins dans des zones de fortes marées. Pouvant s’adapter à son environnement, elle peut alors être posée partout dans le monde où il a des fleuves et des marées. « C’est la seule technologie capable de fonctionner avec une si faible intensité, se targue Franck Sylvain. Il y a donc mille fois plus de sites potentiels pour l’anguille que pour les hydroliennes classiques ». Eel Energy ambitionne une machine d’une puissance de 1 mégawatt à seulement 3m/s (environ 10km/h). « Le Graal », selon ce dernier.

Une énergie respectueuse de son environnement

Comparée aux autres énergies (éoliennes, centrales nucléaires, hydroliennes classiques), cette anguille offre également de multiples avantages : pas de pollution visuelle et sonore puisque les anguilles sont immergées à plusieurs mètres de profondeur. Pas de déchet, ni d’émission de CO2 en fonctionnant. Et pas d’impact sur les écosystèmes marins, la faune marine est protégée. Il n’y a aucun risque pour qu’un poisson ne passe entre les pales. Les moules ou autres mollusques ne pourront se coller au caoutchouc spécialement étudié pour qu’ils n’alourdissent pas la membrane.

Le système d’Eel Energy permet également de prévoir l’énergie produite. Les courants marins, liés aux marées, ont en effet la particularité d’être prévisibles. Contrairement aux éoliennes, l’énergie produite par les hydroliennes est donc prédictible et constante. « Tant que la Lune tournera autour de la Terre on connaîtra leur intensité, et ce, à la minute près, indique Franck Sylvain. Nous pouvons donc prévoir des jours à l’avance la quantité d’énergie qui sera produite, ce qui nous évite des problèmes de stockage. On va pouvoir la consommer directement ».

Une ferme pilote en 2018 en Écosse

Technologie française oui, mais son exploitation s’effectuera pour le moment hors de nos frontières. Une première ferme au Nord de l’Écosse devrait voir le jour en 2018. Un lieu qui n’a pas été choisi au hasard. « C’est le pays le plus avancé dans l’hydrolien, explique le directeur financier. Il n’y a pas d’autres endroits pour tester une machine qui puisse être raccordée directement au réseau. Le site existe déjà, il n’y aura qu’à poser notre machine. » Mais outre l’environnement propice à son installation, « c’est aussi en Écosse que l’électricité est rachetée la plus chère : 400 euros en moyenne le mégawattheure contre 160 euros en France », indique-t-il. L’intérêt est donc surtout financier. À long terme, Eel Energy ne se cache pas de vouloir devenir un fournisseur d’électricité.

Lors de la COP21 en novembre 2015, la start-up a été approchée par Taïwan, l’Indonésie, les Philippines, le Chili et le Congo pour bénéficier de l’anguille made in Boulogne-sur-Mer. Quant à la France, rien à l’horizon pour l’instant.

L’hydrolienne ondulante est aujourd’hui la machine qui produit le plus de Watts dans les bassins de l’IFREMER. Fin juillet, d’autres tests seront effectués, mais cette fois-ci avec de nouveaux convertisseurs encore plus puissants. À en croire Franck Sylvain, l’anguille est bien partie pour faire une révolution bleue.

 

Marine VAUTRIN

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