Grande barrière de corail : un film antisolaire contre le blanchissement

Publié le 28 mars 2018 à 9:54 Aujourd'hui

Des chercheurs de l’Institut australien de biologie marine ont annoncé mardi 27 mars 2018 avoir testé un film protecteur biodégradable qui pourrait prémunir la Grande barrière de corail du blanchissement.

Le plus grand écosystème sur Terre est en péril. La Grande barrière de corail est menacée par le trafic maritime et industriel, les étoiles de mer dévoreuses de coraux, mais surtout le réchauffement climatique. Depuis 1988, elle subit des épisodes de blanchiments importants, qui se sont intensifiés en 2016 et l’été dernier, provoqués par la hausse de la température de l’eau. Pour que la barrière vive, des chercheurs de l’Institut australien de biologie marine ont annoncé un test prometteur : un film antisolaire « 50.000 fois plus fin qu’un cheveu humain » qui contribuerait largement à protéger les coraux des rayons du soleil.

Un film antisolaire prometteur

Les essais ont été menés par les scientifiques – à l’origine des billets de banque australiens en polymère – sur sept espèces différentes de coraux. Fabriqué avec du carbonate de calcium, qui forme la base des squelettes de coraux, le film antisolaire serait très efficace. De ce que l’on sait aujourd’hui, il contribue à diminuer le blanchissement pour la plupart des espèces de corail et diminue la lumière de soleil reçue de 30%.

Agnès Marsden, directrice générale de la Fondation de la Grande barrière de corail, a déclaré à l’AFP que le film a été conçu pour « flotter sur l’eau au-dessus des coraux » plutôt que d’être directement placé sur les organismes. Concrètement, le film diminue « dès le départ » les niveaux de lumière du soleil et les empêche alors de blanchir. S’il ne peut pas être déployé sur toute l’étendue des 348.000 kilomètres de superficie du récif corallien, il devrait protéger une sélection des zones les plus à risque ou celles les plus prisées par les chercheurs.

Une idée scientifique qui en rejoint une autre. En novembre 2017, des chercheurs australiens ont publié les résultats d’une transplantation à succès. En 2016 ils avaient collecté de grandes quantités d’ovules et de spermes de coraux à Heron Island, au large de la côte orientale. Huit mois après les avoir transplantés dans les zones abîmées de la Grande barrière, les scientifiques ont pu observer que le jeune corail avait survécu, et grandi!

D’autres projets sont loin d’être louables. En janvier 2018, The Guardian dénonçait un financement du gouvernement australien élevé à 2,2 millions de dollars pour un projet du Centre de recherche Récif et Forêt tropical associé à des organisations touristiques. Ce dernier consiste à rafraîchir la mer de corail avec des ventilateurs. Le hic ? Puisque les ventilateurs seront directement dans l’eau de mer, ils finiront par rejeter de l’eau chaude dans le récif. Ils pourraient même accidentellement déchiqueter des coraux.

Les propres conseillers du gouvernement australien prévenaient de l’inefficacité de ce projet, qui ne ferait qu’envenimer la situation. En avril 2017, le consortium australien avait déjà provoqué l’ire des scientifiques en proposant de pomper directement de l’eau froide dans le récif, et cela pour la modique somme de 9 millions de dollars.

La menace et les conséquences du blanchissement

En mars 2017, une quarantaine de scientifiques avaient publié une étude sur le blanchissement des coraux dans la revue Nature pour appeler à l’action. Les conséquences du blanchissement sont dévastatrices. Quand la température de l’eau dépasse 31 degrés, un stress agit sur le corail ce qui provoque son blanchiment. Si la température ne redescend pas, le corail expulse les algues symbiotiques qui lui donnent sa couleur et ses nutriments. Le corail peut résister deux à trois semaines avant de blanchir puis de mourir de faim. En avril 2016, 93% des récifs de la Grande barrière avaient été affectés par un blanchiment, le pire épisode jamais enregistré.

L’Australie est le 4ème détenteur des réserves mondiales de charbon, derrière les États-Unis, la Chine et la Russie. En 2015, le pays était le premier exportateur mondial, augmentant largement ses émissions de gaz à effet de serre, et les dégâts pour la Grande barrière de corail. Inscrite depuis 1981 au patrimoine mondial de l’Unesco, l’agence spécialisée de l’ONU avait toutefois retiré la Grande barrière de la liste du patrimoine en péril en juillet 2017.

Si les initiatives pour la préserver ne manquent pas, il ne faut toutefois pas s’emballer : selon une étude publiée en janvier 2018 dans la revue Science, les dégâts causés par le dernier épisode de blanchissement sur les coraux sont susceptibles d’être irréversibles. En effet, le laps de temps entre les différents épisodes de blanchissement est plus court que dans les années 1990. Les coraux sont alors sujets à plus de dégâts (eux-mêmes dus au réchauffement climatique et à l’intensification du phénomène El Niño) tout en ayant moins de temps pour se rétablir. Les scientifiques prévoient par ailleurs d’autres épisodes de blanchissement à venir.

Claire Lebrun

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