Jardiner avec la lune : quelle efficacité ?

Publié le 20 mars 2019 à 14:03 Jardin et potager

Difficile de démêler le vrai du faux lorsqu’il s’agit de pratiques de jardinage ou d’agriculture alternatives. Le jardinage à cycle lunaire opposent farouchement ses adeptes et ses pourfendeurs depuis maintenant des siècles. Explications.

Il est intéressant de voir à quel point l’almanach Rustica pour citer le plus célèbre ou encore de nombreux sites web, peuvent se révéler précis quant à l’utilisation de la lune pour faire pousser les germes des jardins et des potagers. « Mercredi 20 mars avant 14 h 09 repiquer en godets les aubergines, piments et poivrons semés en janvier. » indique la version web de Rustica justement. Loin de critiquer les conseils de jardinage de la revue qui reste une pointure du domaine, on est en droit de se demander si cette technique ancestrale ne relève pas de la vieille lune. Pour de nombreux jardiniers, pourtant, elle trouve une place légitime parmi les méthodes diverses et variées de cultivation.

Les justifications sont multiples. Ainsi le cycle sidéral de la lune, c’est-à-dire le fait qu’elle monte ou descende, ferait descendre ou monter la sève rendant propice la culture soit des plantes à bulbes lorsque la sève est attirée vers le bas soit les légumes feuilles puisque la sève est dans ce cas-là attirée vers le haut. D’autres facteurs sont décrits par les défenseurs du calendrier lunaire. Lors d’une lune croissante, la période serait favorable aux récoltes, tandis que lors de sa décroissance, ce serait la fertilisation des plantes qui fonctionnerait à merveille. Selon de nombreux sites internets faisant l’apologie du jardinage avec la lune, il existerait même des jours où le jardinage serait proscrit comme lors de l’apogée ou du périgée de la lune simultanément la période où la lune est la plus éloignée de la terre et lorsque elle est la plus proche, le pire restant les jours de nœuds lunaires où la lune passe entre la terre et le soleil.

Jardiner en fonction de la lune : un vieux débat

Le débat est ancien puisque Jean-Baptiste de la Quintinie, jardinier officiel de Louis XIV faisait part de ses sérieuses réserves sur la technique lunaire la qualifiant de « dires de jardiniers malhabiles ; ils ont cru par là, non seulement mettre à couvert leur ignorance à l’égard des points principaux du jardinage, mais en même temps, ils ont espéré s’acquérir par ce jargon quelque croyance auprès des honnêtes gens, qui n’entendent rien à l’agriculture« . La formule prête à sourire, mais hier comme aujourd’hui, il semblerait que le jardinage lunaire n’ait rencontré que peu de crédits chez les botanistes. Pour une raison simple, il est tout bonnement impossible d’apporter la preuve expérimentale de l’efficacité supposée exceptionnelle de ce type de pratique. La validité d’une expérience scientifique s’évalue grâce à un échantillon témoin de comparaison or il n’est pas possible de cumuler exactement les mêmes facteurs pour un échantillon de plantes à technique non-lunaire et un échantillon utilisant cette technique le même jour à moins de créer un trou dans l’espace-temps, opération complexe s’il en est.

Des origines troubles

Toutefois, les adeptes de la biodynamie n’en démordent pas, la qualité et la quantité de leur production sont décuplées par l’utilisation de diverses techniques relevant de cette discipline qui ne comprend pas que la culture lunaire mais aussi tout un courant ésotérique dont le centre se trouve être l’anthroposophie, une pensée controversée fondée par Rudolf Steiner dans les années 1920.
Bien qu’elle repose sur des traditions probablement millénaires, la culture lunaire a connu deux regains de popularité avec le courant de la biodynamie puis avec le mouvement hippie dans les années 1970.
 Le magazine Rustica distribue d’ailleurs son almanach lunaire depuis 1978.

Quelques pistes de réponse ?

En 2011, un rapport de la société nationale d’horticulture de France, publié par Noëlle Dorion et Jacques Mouchotte, semblait mettre un point final à ce débat en désavouant cette technique, tout en concevant toutefois une légère concession. Dans un premier temps, le jardinage avec la lune ne comporte ainsi aucun fondement scientifique et peut finalement être contourné : « Si cet effet existe, il peut être aisément masqué voire annulé par l’utilisation de pratiques agronomiques adaptées et de variétés améliorées de plantes » explique le rapport dans sa conclusion. En revanche, il est possible selon les deux botanistes renommés qui s’appuient sur les travaux de Wolgang Schad un célèbre biologiste allemand, que certaines plantes, suite à un long processus évolutif, se soient adaptées au rythme de leur environnement comme l’alternance jour/nuit et l’enchaînement des saisons et peut-être les cycles lunaires. La piste de réflexion n’est encore une fois corroborée par aucune étude fiable à l’heure actuelle. 

Il apparaîtrait par ailleurs que les bons résultats de l’agriculture lunaire soient plutôt dus à une attention très particulière des jardiniers qui la pratiquent par l’intermédiaire de nombreuses techniques réellement efficaces.
Alors si cultiver avec la lune n’aura jamais d’impact négatif sur vos plantations, elle pourrait finalement, au-delà des nœuds lunaires, vous créer des nœuds au cerveau pour très peu de résultats concluants.

Martin Dawance

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