Les emballages plastiques encourageraient le gaspillage alimentaire

Publié le 12 avril 2018 à 12:26 Aujourd'hui

L’association de défense de l’environnement Les Amis de la Terre et le collectif Zero Waste Europe ont publié une étude mercredi 11 avril 2018 affirmant que les emballages plastiques à usage unique augmentent le gaspillage alimentaire. 

En France, on estime que près de 10 millions de tonnes de nourriture consommable sont jetées chaque année. Plus précisément, 6,5 millions de tonnes sont produites par les foyers, 2,3 millions par la distribution et 1,5 million par la restauration, selon le ministère de l’Agriculture et de l’alimentation. Un gaspillage sans précédent qui constitue également un échec majeur pour l’économie française. Son coût est estimé entre 12 et 20 milliards d’euros par an en France soit l’équivalent de 159 euros par personne pour les seuls ménages. En 2015, au sein de l’Union Européenne, les coûts liés au gaspillage alimentaire s’élevaient à 143 milliards d’euros. Sur le plan éthique et social il y a également un impact qui n’est pas des moindres : on estime en France qu’une personne sur dix a du mal à se nourrir, alors que des quantités astronomiques de produits frais se retrouvent à la poubelle chaque jour. En moyenne, un supermarché perd 197 tonnes de nourriture par an, l’équivalent de 40.000 repas par jour. Pour solutionner ce fléau, les emballages plastiques représentaient un compromis viable qui permettait de faire perdurer les aliments en les conservant quand on les emportait avec soi. Pourtant, une étude publiée mercredi 11 avril 2018 par l’association les Amis de la Terre et le collectif Zero Waste affirme que les emballages plastiques ne solutionnent en rien le gaspillage alimentaire.

Les Européens jettent plus de 30kg d’emballages plastiques par an

« Gaspillage alimentaire en Europe : le plastique à usage unique ne résout pas le problème », déclare le rapport. Les emballages plastiques encouragent au contraire le gaspillage alimentaire. Comme il est précisé dans l’étude : « l’industrie de l’emballage encourage actuellement les portions de taille réduite avec un taux d’emballage plus important par produit, comme solution au sur-achat. Pour de nombreux produits, une solution moins gaspilleuse serait de vendre ces produits en vrac et de permettre aux consommateurs de n’acheter que la quantité dont ils ont besoin ». Emballer les produits poussent le consommateur à en acheter davantage que ce qu’il aurait choisi. Par ailleurs, des produits frais sous emballages plastiques comme des légumes peuvent avoir une durée de vie qui s’allonge d’une dizaine de jours. Selon l’étude, « dans les faits, l’allongement de la durée de conservation des produits agrandit la fenêtre durant laquelle un article alimentaire peut être mangé, ce qui dans le cadre d’un ménage avec un réfrigérateur constamment trop rempli ne réduira pas le gaspillage alimentaire ». Puisque les ménages ont déjà tendance à la surconsommation, allonger la durée de vie des aliments n’aide pas à enrayer leur gaspillage. Les emballages prévoyaient d’aider à la mobilité des aliments mais ces derniers sont laissés dans des frigos toujours en surplus ce qui ne change rien au gaspillage alimentaire.

Plus encore, le nombre des déchets d’emballage augmente tout autant que celui des déchets alimentaires, ce qui annule la capacité des emballages à réduire le gaspillage. Comme le souligne l’étude, « depuis les années 50, lorsque l’emballage plastique des produits alimentaires s’est répandu en Europe, les volumes de déchets d’emballages plastiques et de déchets alimentaires ont connu une croissance simultanée, avec des taux annuels dépassant 15 millions de tonnes de déchets d’emballages plastiques, soit 30 kg par personne, et 31 millions de tonnes de déchets alimentaires ménagers, soit 70 kg par personne ». Ainsi les emballages n’ont pas enrayé le gaspillage alimentaire, mais ont créé une pollution supplémentaire.

Impuissants face à la surproduction des enseignes et la surconsommation des foyers, ils empirent la situation en devenant des déchets qui ne sont pas recyclés. Comme l’affirme l’étude, « les emballages plastiques posent de vrais problèmes de gestion des déchets et de protection de l’environnement. » En effet, les déchets plastiques mettent plus de quatre siècles à se dégrader et seuls 12% ont été à ce jour incinérés, une pratique qui augmente l’émission de gaz à effet de serre. Et le pire est à venir : « 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année dans le monde, et on s’attend à ce que cette production double dans les vingt années à venir. D’ici 2050, l’industrie des plastiques pourrait représenter 15 % du budget carbone mondial. » Une catastrophe pour la planète.

En moyenne, les Européens jettent annuellement plus de 30 kg d’emballages plastiques par personne avec moins de 30 % des déchets plastiques collectés pour le recyclage. La demande européenne totale en plastique est de 49 millions de tonnes, dont 40% rien que pour l’emballage ! Un fléau pour l’environnement mais aussi pour l’économie : « la majorité des emballages plastiques ne sont utilisés qu’une fois et 95 % de leur valeur est perdue pour l’industrie après la première utilisation. Cette perte est estimée à 100 milliards d’€ au niveau mondial ». Il est même estimé qu’en 2020, l’Europe consommera plus de 900 milliards de produits alimentaires et boissons emballés. En 2013 pourtant, le Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire prévoyait pour 2025 la réduction de 50 % du gaspillage sur l’ensemble de la chaîne alimentaire par les pouvoirs publics. Un objectif dont on est encore loin.

Privilégier les emballages réutilisables et les méthodes traditionnelles de conservation

Pour trouver des alternatives, le rapport préconise de changer nos habitudes alimentaires et nos comportements d’achat, ainsi qu’une bonne connaissance dans la façon de préparer et de conserver ses aliments à la maison, plutôt que d’ajouter toujours plus de plastique sur les produits. Les emballages réutilisables et les méthodes traditionnelles de conservation peuvent tout à fait remplacer l’emballage à usage unique. L’étude encourage également la recherche quant à la possibilité d’un changement systémique sur les pertes alimentaires des distributeurs, développer des solutions adaptées à l’économie circulaire, renforcer la transparence des données, identifier les types d’emballages qui produisent le plus de déchets et conduire des recherches sur les impacts sanitaires de la migration chimique des emballages vers les aliments. Le collectif Zero Waste a également lancé une pétition qui comptabilise déjà 7091 signataires pour soutenir une démarche zéro déchet en vue d’une société économiquement et écologiquement viable.

 

Claire Lebrun

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