Méga-fichier d’identités : le Conseil national du numérique met le holà
Publié le 7 novembre 2016 à 16:00 Aujourd'hui
Le Conseil national du numérique (CNNum) a demandé ce lundi la suspension du méga-fichier TES qui doit regrouper les données personnelles des Français pour les passeports et cartes d’identité.
Le dimanche 30 octobre dernier, le gouvernement avait publié le décret n°2016-1460 prévoyant l’instauration d’un nouveau fichier appelé TES pour « titres électroniques sécurisés ». Pour rappel, ce dernier va servir à regrouper toutes les informations que contiennent vos passeports et vos cartes d’identité. Il remplacera le précédent TES (dédié aux passeports) et le Fichier national de gestion (dédié aux cartes d’identité).
Cette base de données gigantesque va ainsi réunir, entre autres, des informations comme la couleur de vos yeux, votre taille, vos noms, vos empreintes digitales ou encore votre adresse physique et numérique. Présenté comme un moyen de lutte contre la fraude documentaire, ce fichier pourra néanmoins faire l’objet de réquisitions judiciaires ou être utilisé par les services spécialisés de renseignement. À terme, il pourrait conserver les données biométriques de près de 60 millions de Français.
La création d’un tel fichier suscite de vives craintes, à commencer par le Conseil national du numérique (CNNum) qui a appelé le gouvernement, ce lundi 7 novembre, à « suspendre la mise en œuvre de ce fichier ».
Piratage, « identification systématique »
Dans un communiqué, le CNNum, organe consultatif chargé de formuler des recommandations sur les questions liées à l’impact du numérique, déplore dans un premier temps « l’absence de toute concertation préalable à la publication » du décret instituant ce méga-fichier. Il estime que cette base de données est « la porte ouverte à des dérives aussi probables qu’inacceptables ».
« L’existence même d’un fichier centralisé suffit mécaniquement à susciter des appétits ; un fichier massif est propice aux détournements massifs de finalités. Ces dernières pourraient à terme permettre l’identification systématique de la population avec les moyens de la reconnaissance faciale ou de la reconnaissance d’image, à des fins policières ou administratives », indique-t-il. L’organe s’inquiète aussi du piratage de la base de données, « le choix de la centralisation revient à créer une cible d’une valeur inestimable, face à des adversaires qui ne sont pas des amateurs ».
Le Conseil national du numérique a indiqué qu’il « contribuera ainsi à la réflexion entourant ce nouveau fichier. Dans les prochains jours, il étudiera les alternatives techniques à cette base centralisée et les garanties qui pourraient lui être apportées ».
« Un dysfonctionnement majeur » selon Axelle Lemaire
Le CNNum n’est pas le seul à monter au créneau. La secrétaire d’État au numérique Axelle Lemaire, citée par L’Opinion ce lundi, critique vivement ce fichier et la méthode du gouvernement. « Ce décret a été pris en douce par le ministre de l’Intérieur, un dimanche de la Toussaint, en pensant que ça passerait ni vu ni connu. C’est un dysfonctionnement majeur », a-t-elle déclaré, en assurant au quotidien avoir découvert ce décret après sa publication au Journal Officiel, sans avoir été consultée. « Ce genre de fichier était une bonne solution il y a dix ans », a-t-elle ajouté, mais pose aujourd’hui « de réels problèmes de sécurité » à l’heure où les cyberattaques constituent un fléau informatique à grande échelle.
De son côté, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a plaidé pour un débat parlementaire sur le nouveau fichier.