Nicolas Hulot : les défis qui l’attendent
Publié le 19 mai 2017 à 12:41 Aujourd'hui
Nicolas Hulot est le nouveau ministre de la transition écologique et solidaire du gouvernement Philippe. De grands chantiers l’attendent, mais ces derniers ne sont pas les plus simples à gérer.
Nicolas Hulot, figure emblématique de l’écologie en France, a succédé à Ségolène Royale le 17 mai 2017. Le nouveau ministre de la transition écologique et solidaire va devoir faire face aux anciens dossiers du gouvernement Hollande, et ce ne sont pas les plus simples. Transition énergétique, les accords de Paris ou encore les lois sur la biodiversité, Nicolas Hulot a du pain sur la planche.
Un gouvernement qui ne ravie pas les associations
La tâche qui attend Nicolas Hulot semble être compliquée. Sans compter sur le fait qu’Emmanuel Macron et son Premier ministre sont loin d’être de bons élèves en matière d’écologie. En effet, Emmanuel Macron a souvent été critiqué pour ne pas avoir assez évoqué l’écologie et l’environnement lors de sa campagne. Quant à Édouard Philippe, il est l’ancien directeur des affaires publiques d’Areva et accusé d’être impliqué dans le pillage de l’uranium du Niger par l’Observatoire du nucléaire… Il était aussi fermement opposé à la loi relative à la transition écologique pour la croissance verte, adoptée définitivement le 17 août 2015. Autant dire que ces profils ne ravissent en aucun cas les associations environnementales.
Nicolas Hulot aura donc la lourde tâche « d’écologiser » le nouveau Président de la République. « La nomination de Nicolas Hulot au gouvernement peut être un trophée. Soit c’est un trophée, mais je fais confiance à Nicolas Hulot pour être parfaitement conscient de ce risque-là, il l’a déjà vécu. Soit il arrive à faire bouger le président et là, ce serait une bonne nouvelle », a indiqué Cécile Duflot sur Franceinfo.
La transition énergétique
L’un des grands chantiers auxquels doit faire face le nouveau ministre est la transition énergétique. Dans ce quinquennat qui ne fait que commencer, la question de l’isolement thermique des bâtiments semble être en tête des priorités nationales pour les grands pontes du secteur comme Géraud Guibert ou encore Benoît Hartmann.
François Hollande avait fixé l’objectif de mettre aux normes 500 000 logements par an d’ici à 2017. Pourtant celui-ci n’est pas concluant, les autorités ont bien du mal à identifier le public concerné par ces aides. Le nouveau gouvernement devra s’atteler à la tâche et régler les problèmes de dispersions des aides, l’absence de guichet unique et l’absence de sensibilisation générale des Français face à ses problématiques. L’enjeu est fort pour le gouvernement, c’est l’occasion de montrer que des préoccupations environnementales peuvent être porteuses de solutions sociales.
Autre enjeu de la transition énergétique : le nucléaire. Quelles sont les énergies sur lesquelles le nouveau gouvernement doit miser ? Pour le moment, Emmanuel Macron, dont le programme environnemental est assez vide, reste dans les clous de François Hollande. Il veut réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique de 75% aujourd’hui à 50% à l’horizon 2025. Mais cet objectif semble très difficilement atteignable si des mesures ne sont pas prises rapidement. Pourtant, Emmanuel Macron semble peu pressé d’agir en repoussant des décisions stratégiques comme la prolongation des centrales nucléaires au-delà de 40 ans.
La question de Notre-Dame-des-Landes
Ce dossier très épineux, dont François Hollande avait réussi à se débarrasser en organisant un référendum en Loire-Atlantique, est le deuxième grand chantier de Nicolas Hulot. À savoir que celui-ci, à l’inverse d’Emmanuel Macron, est fortement opposé à ce projet. Il disait d’ailleurs que ce dernier était à contre-courant de toute idée de transition écologique.
La nomination de Nicolas Hulot à ce poste rend le dossier encore plus compliqué. Emmanuel Macron et son gouvernement ont clairement rouvert le projet en annonçant la nomination d’un médiateur qui devra étudier « l’ensemble des options », dont des alternatives au nouvel aéroport. À noter que le rapport d’experts, qui avait été remis à Ségolène Royal, avait qualifié le projet de « surdimensionné » et suggérait de revoir à la baisse ou de moderniser l’actuel aéroport de Nantes.
Protéger les accords de Paris
Signés le 12 décembre 2015 pour conclure la COP21, ces accords entérinent le premier traité universel de lutte contre le changement climatique, engageant 195 États à agir pour limiter la hausse des températures en dessous de 2°C. Mais l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche remet tout en question. Celui-ci compte prendre une décision sur l’éventuelle sortie des États-Unis fin mai.
L’enjeu est très fort puisque le prochain sommet du G7 se tiendra les 26 et 27 mai en Sicile. Quelle que soit la décision des États-Unis, la France, l’Allemagne et la Chine devront continuer d’assurer un leadership climatique mondial. L’intervention d’Emmanuel Macron au G7 est très attendu, aucun faux-pas ne sera autorisé au nouveau Président de la République.
La question de la fiscalité écologique
Levier majeur pour Nicolas Hulot, la réforme de la fiscalité devient une réelle nécessité. « Il faut lever les charges qui pèsent sur l’emploi et les déplacer vers les activités ayant un impact environnemental négatif, sur les prélèvements de ressources naturelles et énergétiques », indiquait le ministre aux Échos.
Emmanuel Macron, quant à lui, a pris quelques engagements à ce niveau. Il promet de porter la taxe carbone à 100 euros la tonne en 2030. Face à la pollution atmosphérique, il prévoit d’aligner la fiscalité du diesel sur celle de l’essence avec une prime pour l’achat de véhicules moins polluants. Mais tout dépendra des priorités de Bercy, sachant le coût élevé des subventions aux énergies fossiles.
Le Grenelle de l’alimentation
Dans son programme, Emmanuel Macron a annoncé que l’automne prochain devrait se tenir un Grenelle pour l’alimentation. Les ONG attendent avec grande impatience que cette promesse de la part du Président soit tenue.
Ce Grenelle pourrait être réellement prometteur si le nouveau gouvernement parvient à rassembler tous les acteurs : les agriculteurs, la grande distribution, les ONG environnementales et les associations de consommateurs. Ces états généraux pourraient bien mettre à plat les relations entre les agriculteurs et les grandes distributions. Mais aussi ils pourraient créer des débouchés pour les agriculteurs, notamment en matière d’agroécologie.
La question de l’alimentation et des pesticides
Côté alimentation, Emmanuel Macron a avancé quelques mesures dans son programme. Il promet que l’ensemble des restaurations collectives proposeront au moins 50% de produits biologiques, label de qualité ou local d’ici à 2022. Il souhaite aussi rémunérer les agriculteurs pour les services environnementaux qu’ils rendent à hauteur de 200 millions d’euros par an. Il souhaite aussi un plan de transformation agricole de 5 milliards d’euros sur cinq ans, pour des projets sur le bien-être animal, la protection de l’environnement et les circuits courts. Mais toutes ces propositions n’ont pas empêché Emmanuel Macron d’assurer, lors du congrès de la FNSEA fin mars, qu’il y aura toujours deux types d’agricultures, dont une « intensive qui exporte ».
Le nouveau Président souhaite séparer les activités de conseils aux agriculteurs et de ventes de produits phytosanitaires afin d’éviter tout conflit d’intérêts. Il promet aussi un calendrier pour éliminer progressivement les pesticides, en commençant par les plus dangereux. Quant aux perturbateurs endocriniens, il souhaite aussi les interdire sous réserve qu’il existe des alternatives. Bien qu’il se soit prononcé contre les OGM, Emmanuel Macron souhaite préserver la recherche publique sur ce sujet, ainsi que pour le gaz de schiste. Ce qui n’est pas au goût des associations environnementales.
Nicolas Hulot reste lucide en acceptant de devenir ministre de la transition écologique et solidaire. Il fait un pari qu’il n’est pas sûr de gagner. « J’ai été du côté de ceux qui exigeaient, je vais peut-être découvrir que c’est un rôle plus facile que ceux qui réalisent », a-t-il déclaré lors de la passation des pouvoirs.